Editorial Septembre 2015

TRANSITION ENERGETIQUE : LA FRANCE EN POINTE

Après un an de débats, parfois houleux, au Parlement, la loi n° 2015-992 relative à « la transition énergétique pour la croissance verte » a été promulguée le 17 août 2015. Elle constitue une avancée très importante sur le long chemin de la transition énergétique des énergies fossiles et fissile vers les énergies renouvelables.

1/ C’est une grande loi stratégique aussi importante que les lois n° 2009-967 du 3 août 2009 et n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dites lois Grenelle 1 et 2, qui ont fondé la politique française en matière d’environnement et de développement durable. Elle actualise, précise et amplifie la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi POPE.

Elle définit la stratégie bas carbone, ressources et pollution de l’air 2050 du pays en précisant les échéances 2020 et 2030. Elle traduit le virage carbone d’un pays qui avait trop centré sa stratégie sur l’énergie, à la différence d’Etats comme le Royaume-Uni, les pays scandinaves ou la Californie.

Elle comporte huit titres. Le premier titre fixe les objectifs. Les 2ème et 3ème titres précisent le cadre de transformation de deux secteurs particulièrement émetteurs de CO2, le bâtiment et les transports. Le 4ème titre est consacré à l’économie circulaire  qui vise « à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ». Les titres 5, 6, 7 organisent le développement des énergies renouvelables, la limitation et la sûreté du nucléaire, le fonctionnement des réseaux et marchés. Le titre 8 précise le pilotage et mise en œuvre de la politique suivie, placée sous la responsabilité des régions et des établissements publics de coopération communale.

2/ C’est une loi ambitieuse qui conforte la stratégie bas carbone de l’Union Européenne. Avant la conférence de Paris sur le climat, l’Europe a défini la politique bas carbone la plus ambitieuse, comparée à celles engagées par les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde, même si ces pays sont en train de définir des objectifs de plus en plus élevés. La loi place la France parmi les pays européens les plus avancés.

Les objectifs sont très ambitieux : diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050, avec une baisse de 40% d’ici 2030, diminuer la consommation énergétique finale de 50% en 2050 par rapport à 2012, avec une baisse de 20% d’ici 2030, diminuer la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30% d’ici 2030, porter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie à 32% en 2030, avec un objectif intermédiaire de 23% en 2020 (contre 14% aujourd’hui), limiter la part du nucléaire à 50% dans la production de l’électricité en 2025 (contre 75% aujourd’hui). D’autres objectifs concernent une forte diminution de la production de déchets et des émissions de polluants atmosphériques.

Par ailleurs, la loi envoie un signal fort aux investisseurs en amplifiant la taxe carbone actuelle pour parvenir à une valeur de la tonne de carbone de 56€ en 2020 et de 100€ en 2030.

Pour l’immobilier et le bâtiment, la perspective est « de disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes « bâtiment basse consommation » ou assimilées, à l’horizon 2050 », avec la volonté de diminuer la consommation énergétique du parc tertiaire d’au moins 60% entre 2010 et 2050 et de rénover 500 000 logements par an à partir de 2017.

Tous les logements de diagnostic de performance énergétique F et G devront être rénovés d’ici 2025. Les propriétaires ne rénovent jamais leur bâtiment ou leur logement pour des raisons uniquement énergétiques, mais dans le cas de travaux significatifs (ravalement, réfection de toiture, aménagement de pièces), une rénovation énergétique devra être « embarquée » avec ces travaux.

Par ailleurs, en 2020, 70 % des déchets du bâtiment et des travaux publics devront être valorisés sous forme de matière.

3/ C’est une loi du mouvement. Elle définit un chemin pour 35 ans. Elle se donne les moyens de suivre la réalisation des objectifs. Tous les 5 ans, des bilans de la mise en œuvre de la stratégie bas carbone et de l’économie circulaire sont présentés et discutés au Parlement. La réalisation du plan national de prévention des déchets et du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques est régulièrement évaluée.

La loi ne couvre pas tous les champs, elle prévoit la réalisation de rapports discutés au Parlement pour engager d’autres volets de la politique. Par exemple, un rapport sera fait sur la question d’un bonus-malus pour les propriétaires bailleurs établi en fonction de la performance énergétique de leur bien, un autre rapport concernera une aide globale pour les bâtiments faisant l’objet d’un projet complet de rénovation, avec évaluation de la performance énergétique des travaux réalisés.

La loi laisse la voie ouverte à l’expérimentation, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des plans climat-air-énergie par les collectivités territoriales. Elle prévoit un renforcement de la recherche et de l’innovation.

4/ Mais la loi n’est qu’un cadre. Le moteur de l’action est sur le terrain dans l’articulation des territoires, des entreprises et des citoyens.

La région joue un rôle stratégique. Comme l’indique la loi, la région « constitue l’échelon pertinent pour coordonner les études, diffuser l’information et promouvoir les actions en matière d’efficacité énergétique ». Elle « favorise … l’implantation de plateformes territoriales de la rénovation énergétique ». Elle est « garante de la bonne adéquation entre l’offre de formation … et les besoins des entreprises ». La question des compétences des professionnels est en effet centrale dans le dispositif.

La mise en œuvre est pilotée par les établissements publics de coopération communale, qualifiés par la loi de « coordinateurs de la transition énergétique ».

La loi vise à donner aux citoyens, aux entreprises et aux territoires « le pouvoir d’agir ensemble ». Là est effectivement la clé du succès de la transition énergétique.

La loi n’est qu’un cadre. L’enjeu est la mobilisation des territoires fondée sur la coopération entre élus locaux, entreprises et citoyens.

Le mouvement est en cours dans plusieurs régions : Rhône-Alpes, Nord-Pas de Calais, Alsace, Aquitaine, Bretagne, Centre, Franche-Comté, Basse-Normandie. Dans d’autres régions, le mouvement avance peu ou se limite à des plans formels.

Dynamisme régional ou pas, là est la clé de la réussite de la transition énergétique.