Gilles Bouteloup, vous êtes Directeur Développement Durable et Sécurité d’AXA REIM. Rappelez nous en quelques mots ce qu’est AXA REIM ?
AXA REIM est filiale de AXA Investment Managers, qui gère un investissement immobilier de l’ordre de 38 milliards €. 515 collaborateurs sont actifs dans 21 pays. Notre patrimoine est très diversifié : bureaux, commerces, logistique, hôtels, logements… Nous sommes le premier gestionnaire d’investissements immobiliers en Europe et le 4ème mondial.
Quelle est votre approche du développement durable ?
Le développement durable est un élément essentiel de notre stratégie. L’origine fut l’introduction en 1986 dans le groupe AXA du concept d’entreprise citoyenne. Nous avons pris ensuite une série d’initiatives visant à intégrer le développement durable dans nos pratiques professionnelles. En 2003, nous avons signé la Charte Global Compact de l’ONU. Au sein de l’UNEP (United Nations Environment Programme) Finance Initiative, nous coprésidons le groupe Assurance. En 2007 AXA IM a signé les Principes de l’investissement responsable de l’ONU et je représente AXA REIM au sein du Property Working Group.
Pour notre activité nous avons défini cette politique dans notre Guideline de l’investissement immobilier responsable. Ce guideline définit dans chacun des trois champs d’action (environnement, social, gouvernance) six lignes d’actions concrètes, comme par exemple mettre progressivement en œuvre un système de management de l’efficacité énergétique et de la consommation d’eau ou promouvoir un système d’évaluation environnementale des immeubles.
Desormais nous utilisons systématiquement pour le neuf les certifications environnementales existantes, Haute Qualité Environnementale (HQE®) en France, BREEAM au Royaume-Uni, Minergie en Suisse.
Comment articulez-vous rendement financier et développement durable ?
Le lien est très étroit. Les trois mots clés sont risque, retour sur investissement (Risk/Return) et obsolescence. Nous sommes convaincus que les immeubles, neufs et plus encore existants, qui ne présentent pas une bonne efficacité en termes d’environnement, d’énergie, de confort et de santé, présentent un grand risque d’obsolescence.
Le risque d’obsolescence a deux dimensions : un risque réglementaire, dont le cadre est de plus en plus exigeant, en particulier pour les gaz à effet de serre et l’énergie, et un risque de marché, lié à une préférence de plus en plus marquée des utilisateurs pour les immeubles verts, en particulier dans le tertiaire.
L’amélioration de l’efficacité environnementale et énergétique permet de diminuer le risque d’obsolescence des immeubles dans lesquels investissent nos clients. Les perspectives de rendement et de valeur locative sont meilleures pour les immeubles verts que pour les immeubles ordinaires.
D’ailleurs, dans les appels d’offre internationaux, les investisseurs et leurs conseils privilégient désormais les gestionnaires d’actifs (Asset Managers) qui maitrisent les compétences qu’exige l’immobilier durable.
De quelles compétences s’agit-il ?
Nous allons vers un changement important de nos pratiques professionnelles. Nous sommes des gestionnaires d’actifs dont le métier est fondé sur des données quantitatives. Nous devons progressivement traiter les flux de ressources naturelles et environnementales avec la même rigueur que les flux financiers.
Il faut rompre avec les auto déclarations environnementales qui relèvent plus du « greenwashing » que d’une approche rigoureuse de l’immobilier durable. Il est capital que les données de la performance environnementale soient mesurables selon des standards transfrontières et qu’elles soient vérifiables par des tierces parties compétentes et indépendantes.
C’est dans cet esprit qu’avec plusieurs investisseurs, AEW Europe, ING REIM, General Electric Real Estate, nous avons demandé à Veritas de nous bâtir un Green Rating que nous sommes en train d’appliquer à plus de 120 immeubles en Europe.
Il faut également que le système de mesure ait un coût adapté. L’audit initial ne devrait pas excéder 5 000 € pour un immeuble de bureaux moyen, avec un rafraichissement régulier des données pour un coût annuel de l’ordre de 1 500 à 2 000 €.
En tant qu’acteurs européens nous avons besoin de standards internationaux. Or toutes les certifications environnementales existantes ont une base nationale, des critères différents, des exigences variables. Cette situation nous parait dépassée.
Nous suivons avec attention le rapprochement en cours entre HQE, BREEAM, LEED et Green Star (1). Nous avons besoin d’un système de rating à la fois simple, clair, standardisé au niveau international, largement quantitatif et d’un coût raisonnable.
Gilles Bouteloup, merci pour cet exposé très intéressant de votre conception de l’immobilier durable.
(1) Voir l’éditorial dans le présent blog.