DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT A LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET ENERGETIQUE
Organisée après les élections présidentielles de 2007, la concertation du Grenelle de l’Environnement entre l’Etat, le patronat, les syndicats, les collectivités territoriales et les associations environnementales a permis à la France de rattraper son retard vis-à-vis des pays les plus avancés dans les domaines du changement climatique, de la biodiversité et des risques environnementaux et sanitaires. Les lois Grenelle 1 et 2 de 2009 et 2010 ont fondé la nouvelle politique du pays qui s’est traduit par des avancées dans les trois domaines.
Quelle est la situation après les élections présidentielles de 2012 et le changement d’orientation politique du pays ? La Conférence Environnementale des 14 et 15 septembre 2012 qui rassemblait les mêmes partenaires que ceux du Grenelle de l’Environnement, plus des représentants du Parlement, donne des premiers éléments de réponse.
Dans la Conférence, qui s’appuyait sur un bilan chiffré très intéressant du Grenelle de l’Environnement (le rapport de l’inspecteur des finances Thierry Wahl), la crise écologique a été présentée non pas comme un phénomène en soi mais comme une des dimensions de la grande crise qui secoue la planète depuis 2007, qui selon nous a la même gravité que la crise de 1929. La stratégie de sortie de crise a donc non seulement des dimensions financière, économique et sociale mais aussi une dimension écologique, et cette stratégie devrait faire référence à un nouveau modèle de développement.
La Conférence Environnementale de septembre 2012 s’inscrit dans ce qui est appelé la « transition écologique et énergétique » du pays. Il conviendrait de préciser la transition vers quoi ? Vers quel nouveau modèle de développement ? Les Suisses ont défini une vision avec le concept passionnant de la « Société à 2000 Watts », qui a fait l’objet de votes de la population dans plusieurs cantons. Quelle est la vision française ?
Certes la tâche est difficile, car contrairement à certains qui défendent une conception harmonieuse et naturelle du développement durable, nous pensons au contraire que la définition du nouveau modèle de développement va faire l’objet de débats très tendus, fondés sur des rapports de force aux enjeux technico-financiers considérables. Mais la définition d’une vision à moyen terme est incontournable. Les réflexions du groupe de travail du Plan Bâtiment sur la Réglementation Bâtiment Responsable 2020, dont nous faisons partie, suggérant des éléments d’une « société sobre et décarbonée, désirable et durable« , sont versées au débat.
La Conférence Environnementale a abordé cinq domaines d’action.
Le premier domaine est la transition énergétique qui s’inscrit dans la perspective de diminuer la part de l’énergie nucléaire dans la production de l’électricité de 75% à 50% d’ici 2025, mais aussi par le symbole de la fermeture de la centrale de Fessenheim en 2016 et le refus de l’exploitation des gaz de schiste, à cause des conséquences environnementales de la technique de fracturation hydraulique.
La transition s’inscrit dans la proposition française que l’Europe s’engage, après l’objectif de moins 20% de gaz à effet de serre en 2020, comparé à 1990, sur des objectifs de moins 40% en 2030 et moins de 60% en 2040.
Le second domaine d’action est celui d’une politique ambitieuse en matière de biodiversité, avec notamment la création d’une agence nationale de la biodiversité, sur le modèle éprouvé de l’ADEME pour l’énergie.
Le troisième domaine est la prévention des risques sanitaires et environnementaux. Les conséquences sanitaires de la dégradation de l’environnement commencent à être mieux connues et doivent être mieux combattues.
Le quatrième domaine d’action concerne la question essentielle du financement et de la fiscalité écologique, l’envoi d’un signal prix significatif par l’augmentation des taxes environnementales est prévu.
Le cinquième thème est celui de la gouvernance environnementale, dans le cadre d’un rôle renforcé des régions.
L’ensemble débouche sur une feuille de route pour la transition écologique .
La Conférence Environnementale se réunira chaque année pour mesurer le chemin réel parcouru et donner les inflexions et impulsions nécessaires.
L’immobilier et le bâtiment sont concernés par les 5 thèmes de la conférence, mais pour le secteur, la mesure phare de la Conférence a été l’annonce de la mise aux normes énergétiques d’un million de logements par an, 500 000 logements neufs basse consommation d’énergie et 500 000 logements rénovés sur le plan énergétique. L’objectif est particulièrement ambitieux.
Les deux principaux obstacles à l’atteinte de tels objectifs sont d’une part le financement et d’autre part les compétences des acteurs de la filière bâtiment.
Dans la construction neuve, les acteurs de l’immobilier et du bâtiment ont montré leur capacité à appliquer rapidement, à grande échelle et à coûts maîtrisés, le label « Bâtiment Basse Consommation Effinergie® », qui anticipe la réglementation 2012 divisant par trois la consommation moyenne d’un bâtiment en comparaison avec la réglementation 2005. C’est une performance étonnante que peu de personnes imaginaient possible il y a 5 ans.
Mais pour la rénovation du parc existant, à supposer que le financement soit trouvé, les acteurs du bâtiment ne sont pas prêts à la date d’aujourd’hui. Le nombre de professionnels formés dans des qualifications comme « Eco Artisans » promue par la CAPEB ou « Les professionnels de la performance énergétique » développée par la FFB est très faible. Un moyen efficace de faire progresser fortement ce nombre serait de réserver les financements aidés à ces professionnels qualifiés.
Passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats, avoir une vision d’ensemble de la thermique d’un logement, se préoccuper non seulement des travaux mais aussi de l’exploitation après rénovation, mettre l’utilisateur au centre car c’est de lui que les consommations réelles dépendent, voici les grands défis des acteurs du bâtiment dans les mois qui viennent pour la rénovation du parc de logements. Des enjeux similaires concernent le parc tertiaire, privé et public. La sortie du décret sur les travaux dans le secteur tertiaire est vivement espérée.
Il y a nécessité d’un Plan Bâtiment ambitieux, et il est bon que Philippe Pelletier ait été reconduit comme président du Plan Bâtiment Durable qui prend la suite du Plan Bâtiment Grenelle. Ce plan sera conduit en partenariat étroit avec les collectivités territoriales, en particulier les régions, comme l’indique la lettre de mission de Philippe Pelletier signée par la ministre de l’Egalité des territoires et du logement et la ministre de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie.