Editorial Septembre 2013

LA TRANSITION ENERGETIQUE ET ECOLOGIQUE EN FRANCE:

OBJECTIFS AMBITIEUX ET NECESSAIRE MOBILISATION DES PROFESSIONNELS, DES OCCUPANTS ET DES COLLECTIVITES LOCALES

La Conférence Environnementale, mobilisant Etat, Parlement, collectivités territoriales, patronat, syndicats et organisations environnementales, qui s’est déroulée à Paris les 20 et 21 septembre 2013, a précisé les objectifs et plusieurs des moyens de la politique environnementale actuelle française.

Une vision à long terme

2050 : un premier objectif avait été défini dans la loi de programmation de l’énergie votée en 2005 : la baisse des émissions de gaz à effet de serre de 75% d’ici 2050, comparées à 1990 (dénommé « facteur 4 » – division par 4 des émissions de gaz à effet de serre -). Le Président de la République a fixé un deuxième objectif pour 2050 : la baisse de la consommation d’énergie finale de 50% par rapport à 2013,  nouvel objectif non partagé par le patronat français.

2030 : nouvel objectif, également fixé par le Président de la République, d’une baisse de 30%, par rapport à 2013, de la consommation énergétique d’origine fossile.

2025 : rappel de l’engagement, pris en 2012 par le Président de la République, d’une baisse de la part de l’énergie nucléaire de 75 % à 50 % dans la production de l’électricité.

2020 : rappel des objectifs pris dans le cadre européen : moins 20% d’émissions de gaz à effet de serre, comparées à 1990, plus 20 % d’efficacité énergétique comparée à 2005, une part des énergies renouvelables égales à 23 % de la consommation totale d’énergie (contre 9 % aujourd’hui).

Il s’agit d’objectifs ambitieux et volontaristes, en rupture avec les pratiques et comportements actuels.

Notons également une mesure très attendue par de nombreux économistes : la création en 2014 d’une taxe carbone devant atteindre 22 € la tonne d’équivalent CO2 en 2016.

 La question de la construction neuve à basse consommation d’énergie est (quasiment) résolue

L’immobilier, qui en France consomme 44 % de l’énergie, émet 23 % du CO2 et 18 % des gaz à effet de serre, est au cœur du défi de la transition énergétique et écologique.

L’action sur l’immobilier s’inscrit dans la perspective de la ville durable, avec ses trois grandes dimensions : les choix d’aménagement urbain (lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols), l’efficacité énergétique de l’immobilier (neuf et surtout existant) et la transformation des modes de transport.

La question de l’efficacité énergétique de l’immobilier neuf est résolue : les techniques existent à coût maîtrisé. La réglementation thermique 2012 divise par 2 ou 3, selon l’énergie, les consommations pour 5 usages (chauffage, eau chaude, refroidissement, éclairage, auxiliaires) par rapport à la réglementation 2005, sans augmentation significative des coûts d’investissement et avec une baisse importante des coûts d’exploitation. La RT 2012 française est l’une des plus ambitieuses réglementations thermiques de la planète.

En France, seul le secteur de la maison individuelle au coup par coup maîtrise insuffisamment la RT 2012. Et dès aujourd’hui des centaines d’opérations expérimentent la réglementation 2020 qui fera en sorte que l’immeuble neuf produira pratiquement autant d’énergie qu’il en consomme.

 Un plan d’action ambitieux pour la rénovation énergétique du parc existant

Mais plus de 90 % du parc immobilier de 2020 et plus des 2/3 du parc immobilier de 2050 existent  aujourd’hui. La grande question est la rénovation énergétique de masse des bâtiments existants. L’objectif de la rénovation de 500 000 logements par an à partir de 2017 (380 000 logements privés et 120 000 logements sociaux) sera difficile à atteindre.

Des moyens non négligeables se mettent en place : décret imposant l’amélioration énergétique de tous les immeubles tertiaires privés et publics devant être publié en 2014, prêts à taux privilégié et exonérations fiscales pour les logements sociaux, et pour les logements privés, prêts à taux zéro et crédits d’impôt sans plafond de ressources, subventions pour les couches moyennes, fortes aides pour les ménages modestes, aides des collectivités territoriales, TVA limitée à 5 % pour tous les travaux de rénovation thermique, projet de fonds de garantie des travaux évitant l’avance de paiement par les ménages, nécessité pour les entreprises d’être labellisées pour réaliser les travaux aidés par la puissance publique à partir de juillet 2014, passeport rénovation pour chaque bâtiment, 450 points d’information des ménages répartis sur tout le territoire, 2 000 « ambassadeurs » de la rénovation énergétique…

Il sera prochainement intéressant de comparer l’efficacité du dispositif français avec son équivalent allemand, centré sur la banque publique KfW, et le « Green Deal » britannique.

En France, trois conditions nous semblent indispensables pour la réussite d’un tel plan : la mobilisation des professionnels, celle des occupants des immeubles et celle des territoires.

 La nécessaire transformation des compétences des professionnels

Les professionnels de l’immobilier et de la construction ne sont pas prêts à assumer un tel plan de rénovation thermique de masse, en particulier chez les PME et les artisans. Ces entreprises sont le plus souvent spécialisées dans un ou deux corps d’état et n’ont pas la vision thermique d’ensemble d’une maison ou d’un appartement. Fin 2012, sur 337 000 entreprises et artisans du bâtiment, environ 6 000 seulement sont labellisées « Reconnues Grenelle de l’Environnement ».

Le temps passé à négocier avec le ménage propriétaire de sa maison ou de son appartement en copropriété rend l’opération de rénovation non rentable pour le professionnel. Le « business model » reste à inventer. Or les maisons individuelles et les appartements possédés par les particuliers représentent environ 28 millions de logements sur les 33 millions du parc existant.

Dans le secteur tertiaire, seul l’immobilier des grandes entreprises est géré professionnellement. Les immeubles tertiaires de la majorité du patrimoine de l’Etat, des collectivités territoriales et des PME ne sont pas gérés professionnellement.

L’amélioration de l’efficacité énergétique d’un immeuble passe par la maîtrise simultanée de travaux sur le bâti, d’un meilleur pilotage de l’exploitation et d’une négociation aboutissant à une évolution du comportement des utilisateurs. Seule une minorité de professionnels maîtrise aujourd’hui les trois dimensions de l’efficacité énergétique d’un immeuble. C’est la raison pour laquelle les propriétaires publics de l’immobilier (Etat, collectivités locales) ont jusqu’à maintenant bloqué la publication du décret rendant obligatoire l’amélioration de l’efficacité énergétique des immeubles tertiaires.

La mobilisation, la transformation des compétences et la professionnalisation des acteurs de l’immobilier et du bâtiment, en particulier dans le cadre du Plan Bâtiment Durable, est la première condition du succès.

Le rôle essentiel des occupants et des collectivités territoriales

La seconde condition est la mobilisation des occupants. Ce sont les occupants des immeubles qui déterminent la consommation réelle d’énergie. Tant dans le tertiaire et plus encore dans le résidentiel, les occupants choisissent la température intérieure, disposent d’un équipement bureautique et électro-ménager, ont certaines pratiques d’aération, maîtrisent plus ou moins bien les équipements de l’immeuble (chauffage, climatisation, eau chaude, volets…). Leur rôle est central dans le dispositif.

Enfin, les acteurs de l’immobilier et du bâtiment sont extrêmement différenciés. De plus l’immobilier est étroitement articulé à l’urbanisme et aux transports. Il ne sert à rien d’habiter une maison à énergie positive s’il faut faire chaque jour 20 km en voiture pour y accéder. La mobilisation des territoires, en particulier au niveau des régions et des agglomérations, est stratégique. C’est à ces niveaux que s’articulent urbanisme, immobilier et transports et que se mobilisent les PME et les artisans qui représentent l’essentiel des professionnels concernés.

jean.carassus@immobilierdurable.eu