Directive européenne et Grenelle la suite

La directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments n° 2010/31/UE du 19 mai 2010 actualise, pour les 27 pays membres de l’Union Européenne, le plan d’action qui avait été défini huit ans auparavant par la directive n° 2002/91/CE du 16 décembre 2002.

Il est rappelé, dans les considérants 3 et 5 de la directive, que le bâtiment représente « 40 % de la consommation énergétique totale de l’Union » et constitue donc une dimension essentielle de la politique européenne des trois 20 en 2020 (par rapport à 1990, moins 20 % de gaz à effet de serre, moins 20 % de consommation énergétique, 20 % d’énergies renouvelables, en moyenne pour les 27 pays européens).

L’objectif fixé pour la construction neuve est ambitieux: « Les Etats membres veillent à ce que a) d’ici au 31 décembre 2020, tous les nouveaux bâtiments soient à consommation d’énergie quasi nulle, b) après le 31 décembre 2018, les nouveaux bâtiments occupés et possédés par les autorités publiques soient à consommation d’énergie quasi nulle » (article 9). Seront définis « des objectifs intermédiaires visant à améliorer la performance énergétique des nouveaux bâtiments d’ici à 2015.»

L’essentiel des autres dispositions de la directive concerne les bâtiments existants. Les diagnostics de performance énergétique verront leur rôle renforcé. Ils devront figurer « dans les publicités paraissant dans les medias commerciaux » (article 12).

Ils devront être vérifiés sur échantillon aléatoire (article 18). Ils seront affichés « à un emplacement et de manière clairement visibles » dans tous les bâtiments de plus de 500 m² (et non plus de 1000 m²) occupés « par les pouvoirs publics et fréquemment visités par le public ». Le seuil sera de 250 m² à partir du 9 juillet 2015 (article 13).

« Lorsque des bâtiments font l’objet de travaux de rénovation importants », ceux-ci doivent « satisfaire à des exigences minimales en matière de performance énergétique » (article 7). Le seuil de 1000 m² minimum de la directive de 2002 est supprimé. La satisfaction d’exigences minimales peut aussi concerner des éléments de bâtiments rénovés.

Le niveau des exigences minimales, tant dans le neuf que l’existant, sera revu « à intervalles réguliers n’excédant pas une durée de cinq ans » (article 4).

La fixation des exigences minimales devra tenir compte de la rentabilité de l’investissement sur la durée de vie économique estimée (article 4).

Les inspections des systèmes de chauffage et de climatisation seront renforcées (articles 14 et 15).

L’essentiel de la directive doit être transposé dans les lois et textes d’application des 27 pays membres avant le 9 juillet 2013.

Pour la mise en œuvre de la directive en France, le contraste est saisissant avec la directive de 2002 !

La directive de 2002 devait être transposée avant le 4 janvier 2006. En France, la situation était d’une simplicité biblique : à cette date, il n’existait aucun texte d’application !

Le premier texte date du 24 mai 2006, il s’agit de la relativement modeste Réglementation Thermique 2005 (moins 15% de consommation énergétique par rapport à la Réglementation 2000).

Le Grenelle de l’Environnement allait en 2007 changer radicalement la donne. On assiste entre 2007 et 2010 à une avalanche de textes qui mettent en œuvre, et parfois au-delà, la directive européenne de 2002.

La nouvelle politique française est ensuite officialisée par la loi dite Grenelle 1 n°2009-967 du 3 août 2009, mise en œuvre par la loi dite Grenelle 2 n°2010-788 du 12 juillet 2010.

Avant même la publication de la directive européenne, la loi Grenelle 1 précise : « Toutes les constructions neuves faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2020 présentent, sauf exception, une consommation d’énergie primaire inférieure à la quantité d’énergie renouvelable produite dans ces constructions ». En d’autres termes, toute la construction neuve doit être, à cette date, à énergie positive (article 4) !

Le stade intermédiaire à définir d’ici 2015 demandé par la directive est ambitieux : « Toutes les constructions neuves faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2012 et, par anticipation à compter de la fin 2010 (en fait cela sera fin 2011), s’il s’agit de bâtiments publics et de bâtiments affectés au secteur tertiaire, présentent une consommation d’énergie primaire inférieure à un seuil de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne » (même article).

La réglementation thermique française pour la construction neuve (moins 50 % par rapport à la réglementation de 2005) devient une des réglementations les plus ambitieuses d’Europe et même de la planète !

Pour le patrimoine existant, le chaînon manquant dans la directive européenne est précisé : « L’Etat se fixe comme objectif de réduire les consommations d’énergie du parc des bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici à 2020 » (article 5), soit en 11 ans une diminution d’une moyenne de 240 KWh/m²/an d’énergie primaire à 150 KWh/m²/an, pour les 3,5 milliards de m² de bâtiments existants !

Le rôle exemplaire du secteur public, mis en avant par la directive, est précisé : dans le secteur public, « la rénovation aura pour objectif de réduire d’au moins 40 % les consommations d’énergie et d’au moins 50 % les émissions de gaz à effet de serre de ces bâtiments dans un délai de huit ans » (article 5).

Quant à l’énergie dans les publicités immobilières, « à compter du 1er janvier 2011 (…) le classement du bien (immobilier) au regard de sa performance énergétique est mentionné dans les annonces relatives à la vente ou la location » (article 1 de la loi Grenelle 2).

Les lois Grenelle 1 et 2 définissent par ailleurs des obligations qui vont au-delà de la question énergétique (baux « verts » obligatoires dans le tertiaire, étiquetage des polluants, suivi des déchets, respect de la biodiversité, bilan carbone intégrant le transport des utilisateurs des immeubles, suivi des patrimoines immobiliers par les Plans Climat Energie Territoriaux placés sous la responsabilité des collectivités locales…).

D’une position de mauvais élève européen, la France se situe désormais dans les tous premiers de la classe ! Reste maintenant à ce que ces magnifiques textes de loi entrent vraiment dans la réalité de la construction et de l’immobilier, et dans les pratiques concrètes de l’ensemble des professionnels concernés.